Isaïe
Homère Eschyle Platon Ovide Vitruve Vinci Descartes Nicéron Lamy Bosse Malebranche |
Isaïe. XI.3
Il ne jugera pas à vue d'oeil. |
Héraclite. B.56.
Trompés sont les hommes quant à leur connaissance des visibles, tout comme Homère: des enfants qui tuaient des poux le trompèrent en disant: "Ce que nous avons vu & pris, nous le laissons, ce que nous avons ni vu ni pris, nous l'emportons." |
Philèbe. 55.e
Socrate: Si, de tous les arts, on retranchait l'art de nombrer, de mesurer, de peser, ce qui subsisterait alors n'aurait, pour bien dire, pas grande valeur. Protarque: Pas grande valeur, assurément! Socrate: Tout au moins, ce qui resterait après cela, ce serait d'exercer nos sens par l'expérience, en usant de cette faculté d'avoir un coup d'oeil sûr; faculté à laquelle bien des gens donnent le nom d'art, quand le coup d'oeil, grâce à l'exercice & au travail, a porté sa force à la perfection. |
Le Sophiste. 235.d.
L'Etranger: Je parle de deux formes, parce que si, dans cet art, je vois d'un côté un art de simulation, celui-ci existe principalement dans le cas où, se conformant aux proportions du modèle en longueur, largeur & profondeur, on réalise la production de la chose imitée, en lui donnant encore, par surcroît, les couleurs qui conviennent. Théétète: Mais quoi? n'est-ce pas ce qu'essaient de faire tous ceux qui imitent quelque chose? |
L'Etranger: Pas en tous cas tous ceux du moins qui ont l'occasion de modeler ou de peindre quelque ouvrage en grandes dimensions: si en effet ils rendaient la proportion véritable propre à la beauté des choses, tu sais fort bien que les parties supérieures de l'ouvrage apparaîtraient plus petites qu'il ne faut, & les parties inférieures, de leur côté, plus grandes, pour la raison que les premières sont par nous vues de loin tandis que les secondes le sont de près. Théétète: Hé! oui, absolument. L'Etranger: Or, est-ce qu'en cela les artistes n'envoient pas promener le vrai & ne réalisent pas en fait dans ces simulacres, à la place des proportions réelles, celles qui seront tenues pour être belles? Théétète: Hé! oui, absolument. L'Etranger: Voilà donc les deux espèces que je disais exister dans l'art de produire des simulacres: un art de la simulation & un art de l'apparence illusoire. |
Théétète. 208.
e.
Socrate: À cette heure, oui certes, une fois parvenu au voisinage de la formule, comme si c'était auprès d'une peinture en trompe-l'oeil, je ne la comprends absolument point, fût-ce une miette, au lieu que, tant que j'en étais plus loin, elle m'apparaissait clairement avoir un sens! |
Ovide,
Métamorphoses. XV.6. Mais quand il eut touché ce qu'il avait vu, il cessa d'accuser ses yeux |
Vitruve,
De l'Architecture.Livre I. 2. 10.a. Les Représentations, ou, pour parler comme les Grecs, les Idées de la Disposition se font en trois manières: l'Ichnographie, l'Orthographie, la Scénographie. Note (7) de Perrault Vitruve appelle le Perspective Scénographie, qui signifie la représentation d'une tente, c'est à dire la représentation entière d'un édifice, laquelle est mieux faite par la Perspective que par l'Ichnographie qui ne trace que le plan, ni que par l'Orthographie qui ne donne que l'élévation d'une des faces. Livre VI. 19. 204.c. Note de Claude Perrault Il n'arrive guère à personne d'avoir peur que le plancher d'une longue galerie lui touche à la tête quand il sera au bout, où il le voit abaissé jusqu'au droit de son front; & on est point en peine comment on pourra passer par une porte, que de loin on couvre toute entière avec le bout du doigt. |
Livre VI. 20. 205.c.
Note de Claude Perrault Pour rendre nécessaire la précaution que Vitruve veut que l'on apporte par le changement des proportions contre les tromperies que l'éloignement & l'obliquité des aspects pourrait causer, il faudrait supposer que tout ce qui appartient à la vue dépend de l'oeil, ce qui n'est pas vrai, parcequ'elle se sert toujours du jugement du sens commun qui la redresse; & il n'arrive guère que ce jugement lui manque; autrement la perspective & la peinture tromperaient toujours: parce qu'il n'y a pas plus de raisons pour prendre un rond pour une ovale, quand il est vu obliquement, que de prendre une ovale pour un rond quand cette ovale est peinte pour paraître ronde. |
Léonard de Vinci,
Carnets, Bibl de l'Institut, Ms A, fol 1.verso. La perspective n'est rien d'autre que la vision d'un objet derrière un verre lisse & transparent, à la surface duquel pourront être marquées toutes les choses qui se trouvent derrière le verre; ces choses approchent le point de l'oeil sous forme de diverses pyramides que le verre coupe. Léonard de Vinci, Carnets, Bibl de l'Institut, Ms B, fol 58. Il y a dans Vitellion huit cent cinq propositions relatives à la perspective. |
Descartes,
La dioptrique, discours IV. Des sens en général. (113) Suivant les règles de la perpective, elles représentent mieux des cercles, par des ovales, que par d'autres cercles; & des carrés, par des losanges, que par d'autres carrés, & ainsi de toutes les autres figures. En sorte que, souvent pour être plus parfaites en qualité d'images, & représenter mieux un objet, elles doivent ne pas lui ressembler. |
Bernard Lamy,
Traité de perpective où sont contenus les fondements de la peinture. Préface. Autrefois on n'avait qu'une idée fort basse de la perpective: il semble qu'elle n'était bonne que pour faire des décorations de théâtre, quelques ornements dans le fond d'une galerie ou à l'extrémité d'une allée de jardin. Je montre qu'un tableau n'est parfait que lorsque les règles de la perspective y sont gardées: que tout tableau est une perspective. De cette manière je réduis la peinture en art: je lui donne des principes certains, des règles dont je démontre la nécessité & certitude d'une manière géométrique. Je sais ce qu'on me dira, que les peintres ne s’assujettissent point à ces règles bien qu'on le leur puisse démontrer, & que je ne suis pas peintre pour parler de la peinture comme je le fais. C'est un reproche que je préviens en plusieurs endroits, montrant comment un mathématicien, sans être peintre & sans savoir dessiner, peut travailler à un tableau. Je fais voir quelle part il y peut avoir, & qu'un peintre ne peut réussir que par hasard s'il n'emploie son secours ou s'il n'est mathématicien lui-même. |
Chap. I.
C'est une chose admirable qu'on puisse faire voir sur une toile ce qui n'y est point, du relief & des enfoncements où tout est plat & des éloignements où il n'y a rien qui ne soit proche. C'est un effet & en même temps une preuve de ce que l'oeil, à parler en philosophe, ne voit pas, mais que c'est l'âme qui se forme différentes images des objets, selon les différentes impressions que la lumière, qui en est réfléchie, fait sur les yeux. Rien de plus difficile à expliquer que la nature de ces images: si c'est de sa propre substance que l'âme les tire, qu'elle les forme, & qu'ainsi elle se voit elle-même comme transformée en toutes chose, ou si elle voit ces images dans une substance au-dessus d'elle, qui, étant le principe de tous les êtres, peut les représenter tous. |
Abraham Bosse,
Sentiments sur la distinction des diverses manières de peinture, dessin & gravures. Chapitre I. Ce qu'on peut entendre par original & par copie. Paris 1649. Tous les ouvrages de portraiture & peinture qui ne sont exécutés par la règle de la perspective ne peuvent être que fautifs, principalement quand ils sont composés de plusieurs corps, de diverses formes & en diverses situations. Quand on entend cette règle, on voit incontinent si les tableaux ont été faits par icelle ou non, & s'ils ne l'ont été l'on sait bien faire la distinction si ceux qui les ont fait avaient l'oeil bien juste à discerner toutes les particularités d'un corps, en un mot s'ils étaient excellents à pratiquer cet art de la première manière ci-devant dite, qui n'est de n'avoir pour juge de son ouvrage que l'oeil. |
Nicolas Malebranche,
Dernier Éclaircissement sur l'oeil & la vision. 1712. § 43. J'ouvre les yeux au milieu d'une campagne, & dans l'instant je vois une infinité d'objets, les uns plus distinctement que les autres, & tous différents entre eux, ou par leurs figures, ou par leurs couleurs, ou dans leurs distances, ou dans leurs mouvements, etc. Je vois entre autres environ à cent pas de moi un grand cheval blanc qui court vers la droite le grand galop. Comment puis-je le voir tel, selon la supposition que j'ai faite: le voici. Je sais, selon la supposition du nombre 26, que tous les rayons de lumière vont en ligne droite, & que ceux qui sont réfléchis de dessus l'objet inconnu, c'est à dire de dessus le cheval, & qui entrent dans mes yeux, se réunissent sur la rétine, & que le rayon principal, celui qui est l'axe commun des deux petits cônes, la secoue le plus fortement. Je dois donc juger que ce rayon tombe sur elle perpendiculairement, & qu'ainsi ce cheval est quelque part dans cette ligne perpendiculaire; mais je ne sais pas encore sa distance. Je connais qu'il a la tête tournée à droite & qu'il est sur ses pieds, quoique son image soit renversée sur ma rétine. Car sachant que ma rétine n'est pas plane, mais concave, la géométrie m'apprend que les lignes perpendiculaires sur une surface concave se croisent nécessairement, & qu'elles ne peuvent être parallèles entre elles que lorsqu'elles tombent sur une surface plane, & qu'ainsi je dois juger qu'il est dans une situation contraire à son image. | Je sais aussi qu'il est éloigné environ de cent pas,
parce que ayant en même temps sur ma rétine son image &
celle du terrain sur lequel il est, duquel terrain je sais à peu
près l'espace jusqu'à lui, je juge donc par là de
sa distance, j'en juge aussi par d'autres moyens qu'il n'est pas nécessaire
d'expliquer ici.
Je connais que c'est un grand cheval car, sachant sa distance, la grandeur de son image & le diamètre de mes yeux, je fais cette proportion. Comme le diamètre de mes yeux est à son image, ainsi la distance de ce cheval est à sa grandeur; & la comparant avec celle des autres chevaux que j'ai vus, je juge que c'est un des grands chevaux. Je connais qu'il court parce que son image change de place dans mes yeux & qu'il court le grand galop parce que je connais l'espace que son image parcourt promptement sur ma rétine; d'où je conclus, en faisant la même proportion que je viens de faire, qu'il parcourt un grand espace en peu de temps. Je vois qu'il est blanc parce que je sais quelle espèce d'ébranlement les rayons qu'il réfléchit produisent sur ma rétine; & que pouvant agir en moi, je me donne toujours, sans jamais m'y tromper, une telle sensation lorsqu'il y a un tel ébranlement sur ma rétine, & par elle sur mon cerveau. Enfin, si je penche la tête, ou si je me couche sur l'herbe en regardant ce cheval, son image changera de place sur ma rétine & n'en ébranlera plus précisément les mêmes fibres; cependant je le verrais toujours de même. |
Ou supposé qu'il s'arrête, & que je me mette à
courir en le regardant fixement, son image changera de place dans le fond
de mes yeux, & cependant je le verrai immobile.
C'est que je sais en même temps que j'ai la tête penchée & quelle est la situation de mes yeux, ou la quantité précise du mouvement que je me donne en courant, & que raisonnant juste, je découvre que le mouvement n'est que de ma part. Si je m'approche de ce cheval en le regardant, je le verrai de la même grandeur, quoique son image augmente sans cesse sur ma rétine, & que n'étant plus éloigné de lui que de dix pas, la hauteur de cette image soit dix fois plus grande que lorsque j'en étais éloigné de cent. C'est que l'optique m'apprend que les diverses hauteurs des images d'un objet sont entre elles en raison réciproque des distances de cet objet, & que sachant qu'à chaque pas que je fais cette raison est toujours la même, je continue de me donner la même sensation. Voici une partie des jugements & des raisonnements qu'il faudrait que l'âme fît, selon la supposition que j'ai faite (nombre 26), pour voir seulement un seul objet; car il serait nécessaire qu'elle en fît de semblables, par rapport à tous les objets qu'elle voit d'un coup d'oeil, & qu'elle les fît en un instant & toujours de nouveaux au moindre mouvement des yeux, & enfin toujours les mêmes sans jamais s'y tromper lorsque les yeux sont dans la même situation. Ce n'est pas nous qui les faisons, c'est D seul qui les fait pour nous. |