Chacun dans ses rêves aperçoit des lettres
correspondant à sa conduite:
celui qui voit la lettre tét,
c'est bien, tov, pour lui,
c'est bien pour son rêve.
De même que les prophètes voient des
choses
qui ont un sens parabolique,
-comme par exemple, les "lampes" de Zacharie (4.2),
les "chevaux" et
les "montagnes" (6.1-7),
le "rouleau"
d'Ézéchiel
(2.9),
le "mur fait au niveau"
que vit Amos (7.7),
"les animaux" que vit Daniel (7 et 8),
"la marmite bouillante" que vit Jérémie
(1.13),
& d'autres paraboles
semblables,
par lesquelles on a pour but de retracer certaines
idées,
-de même ils voient aussi des choses
par lesquelles on perçoit ce que le nom
de la chose vue
rappelle par son étymologie ou par son homonymie,
de manière que l'action de la faculté
imaginative
consiste en quelque sorte
à faire voir une chose portant un nom homonyme,
par l'une des acceptations duquel on est guidé
ver une autre,
ce qui est aussi une des espèces de l'allégorie.
Ce qui est encore plus étonnant,
c'est quand on éveille l'attention au moyen d'un
certain nom
dont les lettres
sont aussi celles d'un autre nom,
dans un ordre interverti,
quoiqu'il n'y ait entre ces deux noms aucun rapport
étymologique,
ni aucune communauté de sens.
The waking have one common world,
but the sleeping turn aside each into a world
of his own.
Elien, Histoire Variée, livre III. § 11.
Les péripatéticiens disent que pendant
la
journée,
l'âme asservie et entrelacée au corps
n'est pas capable de contempler la vérité
en toute pureté.
La nuit, libérée de cette servitude,
elle prend la forme d'une sphère
dans la poitrine
& devient plus prophétique,
& c'est de là que proviennent les
rêves.
Tout comme dans un liquide,
si on l'agite beaucoup, tantôt aucune image
n'apparaît,
tantôt il en parait une tout à fait
déformée;
de sorte que l'objet apparaît autre qu'il n'est,
tandis que, si le liquide est en repos, les images sont
nettes et visibles;
de même aussi, dans le sommeil,
tantôt les images qui viennent de la veille sont
tout à fait annulées,
quand le mouvement est trop considérable,
tantôt les visions sont effrayantes &
montreuses
& les rêves sont malsains,
par exemple chez les mélancoliques &
ceux qui ont de la fièvre
ou qui sont ivres.
Il y a deux portes du Sommeil:
L'une est de corne
par laquelle les ombres vraies passent,
l'autre, d'un ivoire
éblouissant,
par où sortent les fantômes trompeurs.
Ceux qui seraient curieux de savoir pourquoi la
porte
d'ivoire
est réservée aux prestiges mensongers,
& celle de corne aux songes vrais, peuvent
consulter
Porphyre;
voici ce qu'il dit dans son commentaire sur le passage
d'Homère relatif à ces deux portes:
"La vérité se tient cachée;
cependant
l'âme l'aperçoit quelquefois,
lorsque le corps endormi lui laisse plus de
liberté;
quelquefois aussi elle fait de vains efforts pour la
découvrir, et lors même qu'elle l'aperçoit,
les rayons du flambeau de la déesse n'arrivent
jamais nettement ni directement à ses yeux,
mais seulement à travers le tissu du sombre
voile
dont s'enveloppe la nature."
Ce voile qui, pendant le sommeil du corps,
laisse arriver jusqu'aux yeux de l'âme les rayons
de la vérité,
est, dit-on, de la nature de la corne, qui peut
être
amincie jusqu'à la transparence;
& celui qui se refuse à laisser passer ces
mêmes rayons est de la nature de l'ivoire,
tellement opaque, que, quelque aminci qu'il soit,
il ne se laisse jamais traverser par aucun corps.
Souvent des hommes mêmes pudiques,
une fois dans les liens du sommeil,
s'il leur arrive de croire qu'ils relèvent leurs
vêtements
devant un bassin ou un tonneau coupé pour cet
usage,
répandent le liquide filtré dans leurs
organes,
& inondent la magnifique splendeur de leurs tapis
de Babylone.
Démocrite
dit que les images se confondent dedans nos corps
à travers les pores & que, revenant du fond,
elles nous causent les visions que nous avons en
dormant,
& qu'elles viennent de tous côtés,
sortant des ustensiles, des habillements, des plantes,
mais principalement des animaux,
à cause qu'ils se meuvent beaucoup, & ont
de la chaleur,
ayant non seulement les similitudes et formes
empreintes
des corps,
mais aussi tirant après soi les apparences des
mouvements de l'âme,
& des conseils, des moeurs, & des passions,
& qu'en tirant elles parlent, & distinctement
apportent à ceux qui les reçoivent
les opinions, les paroles, les discours & les
affections
de ceux qui les transmettent,
quand en entrant elles retiennent encore les figures
bien expresses & non confuses,
ce qu'elles font quand leur cours & acheminement
se fait vite par l'air bien uni,
sans trouver empêchement quelconque.
Or, l'air de l'automne, pendant lequel les arbres
perdent
leurs feuilles,
ayant beaucoup d'inégalité &
âpreté,
divertit et détourne en plusieurs parts les images,
& rend leur évidence faible et fuyante,
étant
obscurcie par la lenteur de leur cheminement,
comme au contraire, quand elles sautent hors des choses
qui en sont grosses,
& qui brûlent d'ardeur de les enfanter,
qu'elles
sont beaucoup, & passant vivement leur chemin,
elles rendent alors les apparences toutes
fraîches
et fort signifiantes.
Les Physiciens écrivent que si
les yeux sont
frottés
tous les matins
de la peau & despouille de la vipère,
que la veuë n'est jamais
hébétée
ny blecée de suffusion.
Encore adjoustent ils d'avantage,
que si ceste vieille peau est bruslée quand la
Lune est pleine
en la première partie du signe d'Aries,
& que la cendre amassée soit aspergée
sur la teste,
elle exite des songes terribles.