La machine que Loriot imagina servoit à résoudre
ce problême singulier :
faire une machine avec laquelle un enfant de sept
à huit ans
puisse élever lui seul la statue,
& la mettre sur son piedestal.
Les images sculptées
sont vénérées sur l'ordre des tyrans.
Les hommes, qui ne pouvaient pas les glorifier à
vue d'oeil
à cause de l'éloignement des lieux,
dessinèrent leur apparence
& rendirent visible l'image du roi glorieux afin de flatter avec zèle l'absent comme s'il
était présent;
& chez ceux qui ne le connaissaient pas,
la vénération a été rendue
plus intense par l'ambition de l'artiste:
Parce qu'il voulait sans doute plaire au souverain,
il a, par son art, contraint le portrait à paraître
plus beau,
& la foule, séduite par la grâce de
l'oeuvre,
a considéré désormais comme objet
d'adoration
celui qui peu auparavant était honoré comme
un homme.
& cet objet est devenu pour le monde un traquenard,
parce que les hommes, asservis au malheur ou à
la tyrannie,
ont donné à des pierres
& à des morceaux de bois le nom
incommunicable.
Car il y a certaines choses qui se produisent spontanément
& qui sont semblables à ce que fait l'art
humain,
ainsi la santé.
En certaines choses préexiste un agent de même
ordre,
par exemple l'art du sculpteur dans les statues.
Il n'y a pas là de génération spontanée;
or
L'art,
c'est l'idée de l'oeuvre, l'idée qui existe sans matière. De même en ce qui provient du hasard; tout s'y
produit comme dans l'art.
Il n'est pas vrai, comme le témoigne Hérodote,
que Xercès
a fait lancer des flèches contre
le soleil.
Mais il allait de soi que Xercès en fit briser
les statues.
Ptolémée Philopator fit préparer
un temple pour Homère.
Il y installa une statue
fort belle qui le représentait assis & disposa autour d'elle,
en
cercle,
les villes qui s'arrogent la naissance d'Homère.
Mais le peintre Galaton représenta Homère
lui-même vomissant,
tandis que les autre poètes puisaient
leur inspiration dans ce qu'il avait rejeté.
Il avait parmi ses trésors innombrables un bassin
d'or dans lequel lui-même & ses convives se lavaient
les pieds à chacune de leurs
réunions:
il le fit briser & de cet or
il fit faire l'image d'un dieu,
qui fut érigée dans la ville à l'endroit
le plus convenable.
Les Égyptiens vinrent dès lors apporter
leurs hommages à cette statue.
Informé de l'attitude des citadins, Amasis réunit
son peuple & lui révéla l'origine de la statue:
elle provenait d'un bassin
dont ils se servaient précédemment pour vomir,
pour uriner, pour se laver
les pieds,
- & maintenant ils se prosternaient
devant lui!
Il lui était arrivé, leur dit-il, la même
chose qu'à ce bassin:
simple citoyen auparavant, il était à présent
leur roi,
& il attendait d'eux respect & dévouement.
Voilà par quel procédé il sut se
concilier les Égyptiens & leur faire admettre son joug.
Ceux qui s'étant habitués à donner
le nom de dieux à des statues
de bronze ou de marbre,
& aux portraits de divinités,
au lieu de les appeler simplement leurs images,
en sont venus jusqu'à dire que Lacharès
avait dépouillé Minerve,
que Denys le tyran avait coupé les cheveux d'or
d'Apollon,
que Jupiter Capitolin
avait péri dans un incendie pendant la guerre civile.
Les statues
mêmes furent vendues,
& donna le peuple sa sentence à la pluralité
de ses voix sur chacune d'icelles;
car elles furent mises en justice & accusées,
tout ni plus ni moins que si c'eussent été
hommes vivants
que l'on eût examinés et syndiqués
en justice.
Stasicrate, un jour devisant avec Alexandre,
lui dit,
que de toutes les montagnes
qu'il connaissait au monde,
il n'y en avait point qu'il fût plus propre à
former en figure de l'homme,
qu'était le mont Athos en la Thrace,
& que s'il voulait, il lui en ferait la plus noble
& la plus durable statue,
qui oncques eût été au monde,
laquelle en sa main gauche tiendrait une ville habitable
de 10.000 personnes,
& de la droite verserait une grosse rivière
en la mer;
toutefois Alexandre
n'y voulut point entendre.
En Grèce, comme chez nous,
vous trouverez des temples
magnifiques servant de domicile sacré
à des statues
faites à l'image de l'homme,
ce que les Perses croient être une impiété:
c'est, dit-on, pour cette raison que Xercès
fit brûler les temples d'Athènes:
enfermer les dieux entre des murailles, alors que leur
demeure est le monde,
cela leur paraissait un sacrilège.
On rapporte que l'herbe née sur la tête d'une
statue,
recueillie dans un lambeau de vêtement
& pendue au cou par un fil rouge,
calme instantanément le mal de tête.
Polyclète est le seul artiste
à avoir créé l'art lui-même
en même temps qu'il produisait l'oeuvre d'art.
Il est l'auteur de la statue
que les artistes appellent le Canon & où ils vont chercher comme dans une sorte
de code les règles de leur art:
seul entre tous les hommes Polyclète passe pour
avoir incarné l'art dans une oeuvre d'art.
L'architecte Dinocharès avait entrepris de faire
la voûte du temple d'Arsinoé à
Alexandrie,
en pierre d'aimant,
afin que la statue
en fer de cette princesse parût
y être suspendue en l'air.
Pline, Histoire Naturelle. XII. 5.
Les visages de nos divinités & les pieds de nos statues sont taillées dans le même ivoire.